ÉDITO | Lettre paysanne - mai 2025
Quelques minutes. C’est le temps qu’il aura fallu à une cyberattaque pour paralyser l’ensemble des services numériques de la Région wallonne. Vingt jours. C’est le temps d’inactivité, de blocages, de retards que subissent les utilisateurs de ces services, dont les agriculteur.ices. Vingt jours qui jettent une lumière crue sur la fragilité d’un système que l’on nous présente depuis des années comme la panacée.
A force d’entendre que la numérisation allait simplifier, accélérer, optimiser, on aurait presque fini par y croire. Mais pour beaucoup, notamment dans le monde agricole, cette révolution numérique s’apparente davantage à une charge qu’à une solution. Car, sur le terrain, la réalité est bien différente des promesses technocratiques.
Dans les fermes, on ne vit pas derrière un écran. Même si les agriculteurs ont (pour la plupart) une adresse e-mail, elle est souvent consultée sur un smartphone entre deux tâches. Scanner des documents, encoder des données, naviguer sur des portails administratifs : autant de démarches qui deviennent des obstacles, surtout après une journée de travail, loin des bureaux. D’ici 2026, tous devront se plier à la facturation numérique, même ceux qui avaient choisi la simplicité du forfait pour limiter la “paperasse”. Ce virage imposé, sans réelle alternative ni accompagnement, va non seulement alourdir la charge administrative, mais aussi exposer à des risques supplémentaires, comme la fraude aux factures. S’ajoute aussi, dès le 1er janvier 2026, l’obligation d’encodage, dans les 7 jours, de chaque utilisation d’un produit phytosanitaire.
Comment peut-on encore justifier, vu le contexte actuel, le refus obstiné de certaines administrations d’accepter les formulaires papier ? Pourquoi cette obsession du tout numérique, alors même qu’on vient d’en subir les limites de plein fouet ?
Ce mois de retard administratif pourrait bien avoir des conséquences désastreuses. La FUGEA a tiré la sonnette d’alarme : les aides PAC doivent être garanties. Tout report serait un coup dur pour le secteur, avec un risque de devoir demander des reports de prêts ou avoir des conséquences sur la taxation des exploitations.
Il est temps de sortir du dogme numérique. Oui, les outils digitaux ont leur utilité. Mais ils doivent rester des moyens, non des contraintes. La transition numérique ne peut se faire sans souplesse, sans alternative, et surtout, sans respect du rythme et des réalités de terrain.