Le 14 mars, le ministre régional de l’Agriculture a annoncé par courrier qu’il allait alléger la circulaire relative au permis pour le photovoltaïque, en ouvrant la porte aux projets agrivoltaïques dans certaines conditions. La FUGEA, qui alerte depuis des années sur les risques que ces projets font peser sur l’accès à la terre, s’inquiète des conséquences de cette décision qui risque de renforcer la crise du foncier en Wallonie et d’avoir des conséquences délétères sur l’ensemble du milieu agricole.
L’agrivoltaïsme consiste à implanter des champs de panneaux solaires sur des terres agricoles. Selon les promoteurs, ces projets permettraient une cohabitation harmonieuse entre production d’énergie solaire et production agricole (élevage de moutons, cultures de céréales, apiculture,…).
Dans les faits, l’agrivoltaïsme a pourtant des impacts très négatifs sur le secteur agricole et, plus spécifiquement, sur l’accès au foncier. Valentine Jacquemart, administratrice de la FUGEA et éleveuse à Saint-Gérard, nous explique : “Avec un rendement locatif jusqu’à 20 fois supérieur comparé au bail à ferme, de nombreux investisseurs risquent d’acheter des terres agricoles à des fins spéculatives, ce qui va encore augmenter le prix des terres”. Ce risque est bien réel et s’ajoute à un potentiel phénomène de rétention de terres : “Les pensionnés, au lieu de vendre leur terre ou de la louer à des jeunes, risquent de garder les terres pour mettre des panneaux. La situation du foncier est déjà très difficile en Wallonie mais là ça risque vraiment d’empirer.” ajoute Valentine.
En Wallonie, un seul permis a été octroyé jusqu’à présent pour un projet d’agrivoltaïsme (en 2021 à Loyers). La FUGEA, qui se bat depuis toujours pour faciliter l’accès à la terre, avait alors alerté le ministre de l’Agriculture des risques pour le secteur. Willy Borsus a ainsi édité une circulaire en janvier 2022 pour limiter la délivrance de permis pour les projets agrivoltaïques.
Force est de constater que, à peine deux ans plus tard, le ministre de l’Agriculture a décidé de rétropédaler. Pour la FUGEA, ce changement de cap pose questions à plusieurs niveaux :
- Premièrement, les organisations agricoles n’ont jamais été consultées alors que la modification de cette circulaire aura indéniablement un effet sur le secteur ;
- Deuxièmement, cette décision a été prise alors que des discussions était en cours entre le secteur agricole et les promoteurs pour essayer de mettre à jour un « guide des bonnes pratiques » qui limiterait l’impact sur le foncier. Le ministre a donc décidé de jouer cavalier seul sans prendre en compte les travaux en cours ;
- Troisièmement, la nouvelle circulaire prétend mettre en place des « garde-fous », comme l’obligation d’installer des projets sur des terres de « qualité médiocre ». Cependant, aucune définition n’a été précisée dans la circulaire, laissant ainsi la porte ouverte à l’appréciation des communes et donc à des projets sur tout type de terrain (et notamment sur des prairies permanentes) ;
- Finalement, la circulaire ne mentionne qu’à une seule reprise l’impact sur le foncier et ne prévoit aucun élément pour atténuer les effets des projets agrivoltaïques sur le prix des terres agricoles.
Alors que la législature actuelle n’a permis que des avancées timides et insuffisantes pour un meilleur accès à la terre, cette décision envoie un très mauvais signal au secteur et constitue un véritable appel d’air pour les projets d’agrivoltaïsme.
Le monde agricole accueille cette décision très négativement, avec le sentiment d’avoir été abandonné par son ministre. La FUGEA reste évidemment à disposition du cabinet Borsus pour faire évoluer la directive.
Des actions sont par ailleurs prévues pour dénoncer l’expansion de l’agrivoltaïsme en Wallonie et ses conséquences sur le monde agricole. La FUGEA sera ainsi présente au côté du Réseau de Soutien à l’Agriculture Paysanne (Résap) à Aiseau-Presles le 17 avril à l’occasion de la journée internationale des luttes paysannes. En ligne de mire : un projet de 22 000 panneaux photovoltaïques sur 30 ha de terrain, soit 5% des terres arables de la commune.
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