Exclure les sociétés de gestion du statut d'agriculteur actif
ÉDITO| Lettre Paysanne - mars 2025
L’agriculture est un métier de passion, d’engagement et de labeur. Pourtant, une dérive croissante menace son essence même : le développement de plus en plus visible d’une “agriculture de gestionnaires fonciers”, un modèle dans lequel des propriétaires ne font que valoriser un capital foncier, sans participer eux-mêmes à l’activité de production, sans “mettre les mains dans la terre”.
Le summum de ce modèle est sans nul doute le développement des sociétés de gestion, des structures qui se font l’intermédiaire entre des propriétaires fonciers qui ne veulent rien avoir à gérer et des agriculteur.ices. Ces structures, souvent éloignées des réalités du terrain, détournent un système censé soutenir ceux qui travaillent la terre au quotidien, notamment en s’accaparant une partie des primes de la PAC.
Le jugement du tribunal correctionnel de Namur du 7 novembre 2024, qui a condamné une société de gestion pour faux, usage de faux, escroquerie et fraude à l’indemnisation, nous ravit.
Dans son jugement, le tribunal a notamment estimé que le montage fiscal de cette société visait à s’accaparer des primes de la PAC qui ne lui étaient pas destinées. Ce que nous avions toujours dénoncé.
Mais le combat contre les sociétés de gestion devrait se faire bien en amont des tribunaux.
La définition de l’"agriculteur actif", qui définit l’accès aux aides de la PAC, devrait être renforcée : il s’agit de celles et ceux qui travaillent eux-mêmes la terre, élèvent du bétail et participent réellement à la production agricole.
Il est urgent de recentrer les dispositifs de soutien sur les bénéficiaires légitimes. Cela passe par une réforme des critères d’éligibilité, en exigeant une implication effective et vérifiable dans la production. Une transparence accrue et des contrôles renforcés permettraient de garantir que les fonds publics soutiennent ceux qui en ont réellement besoin.
La FUGEA met ce dossier dans ses priorités des prochains mois et nous comptons bien jouer pleinement notre rôle de pression pour parvenir à nos fins.
• par notre plaidoyer auprès des décideurs politiques. La FUGEA a fait des propositions afin d’exclure ces sociétés de gestion du statut d’agriculteur actif, mais il faudra un courage politique pour mettre en place ces mesures et les contrôler ;
• par des actions de mobilisation de terrain pour visibiliser cette problématique, comme avec l’action qui sera menée le 12 avril avec nos partenaires dans le cadre de la journée des luttes paysannes (nous vous donnons d'ailleurs rendez-vous devant le siège d’une de ces sociétés de gestion pour demander des actes forts) (voir p.8 de la Lettre Paysanne de mars).
Espérons que cette mandature politique permettra d’aboutir à la suppression des aides aux faux agriculteurs, ces gestionnaires fonciers qui ne travaillent pas la terre mais en profitent pour en tirer un revenu.
Exclure les sociétés de gestion et les autres formes de gestionnaires fonciers du statut d’agriculteur actif n’est pas un choix idéologique. C’est une nécessité pour préserver une agriculture juste et durable. Il en va de l’avenir de nos exploitations et de la pérennité du modèle agricole que nous défendons.