Nouvelles techniques génomiques : la FUGEA regrette la position de la Belgique allant à l'encontre des droits des agriculteurs
Notre dossier de la Lettre Paysanne de novembre 2023 vous informait sur ce sujet : la Commission européenne a présenté le 5 juillet 2023 une proposition de nouveau cadre législatif pour les nouvelles techniques de modification génétique (appelées « NGT » ou « nouveaux OGM »). La proposition est actuellement négociée au niveau européen et contient (toujours) les risques d’atteintes sérieuses aux droits des agriculteur.ices dénoncés depuis le début par la FUGEA.
Bref rappel
La proposition de la Commission européenne introduit une nouvelle définition des OGM avec pour conséquence d’exclure la plupart d’entre eux des obligations d’évaluation des risques, d’étiquetage, de traçabilité et de contrôle actuellement en vigueur. Depuis des mois, la FUGEA dénonce les conséquences désastreuses qui seraient provoquées par cette déréglementation des NGT. Sans pouvoir les lister ici de manière exhaustive (nous renvoyons pour ce faire à notre dossier de novembre 2023), citons le risque de privatisation des semences par les brevets de quelques sociétés semencières internationales. En effet, à l’heure actuelle, rien n’empêche la portée des brevets NGT de s’étendre à des semences conventionnelles ou paysannes présentant un trait similaire au trait breveté ou contaminées par un de ces OGM.
Afin de dénoncer ces risques, notre syndicat européen la Coordination Européenne Via Campesina a publié en février une déclaration commune signée par plus de 200 organisations représentant les petits et moyens agriculteurs et sélectionneurs ainsi que le secteur alimentaire biologique et sans OGM et la société civile. Cette déclaration, vous donnant davantage de détails sur les risques liés à la proposition de la Commission européenne, est soutenue par la FUGEA.
Où en est-on ?
Négociations sous présidence polonaise
La présidence du Conseil de l’Union européenne est actuellement assurée par la Pologne. Dans l’exercice de sa présidence, la Pologne a fourni en février aux autres Etats membres une nouvelle proposition « améliorée ». Bien que cette proposition accorde de l’importance à la problématique des brevets, les solutions proposées sont des fausses solutions qui ne résolvent pas les principaux problèmes rencontrés par les agriculteur.ices (privatisation des semences, poursuites en contrefaçon en cas de contamination,...).
En effet, les solutions ne prévoient toujours pas d'obligation de publication des procédés de détection et d'identification des plantes génétiquement modifiées et brevetées. Les agriculteur.ices ne pourront dès lors pas savoir si les semences traditionnelles qu'ils et elles ont sélectionnées, cultivées ou commercialisées, contiennent naturellement, ou suite à des contaminations génétiques inévitables, une séquence génétique présentée comme "semblable" à une séquence brevetée issue de NGT. Si c’est le cas, ils et elles seront poursuivi.es pour contrefaçon de brevet et leurs productions pourront être saisies. On leur demandera alors de prouver que leurs semences contenaient déjà le gène breveté avant la revendication du brevet. Une telle preuve n'est toutefois à la portée d'aucun agriculteur.ices, qui ne disposent pas des moyens de séquencer le génome de toutes les semences qu'ils et elles cultivent ou commercialisent.
Au-delà de ce risque inacceptable, la Pologne ne remet pas non plus en question la suppression par la Commission européenne des évaluations sanitaires et environnementales, ni la suppression de l'étiquetage pour les consommateur.ices, ni l'impossibilité de surveillance post-commercialisation et de retrait de ces OGM en cas d'apparition post-commercialisation de dommages sanitaires ou environnementaux, impossibilité résultant de l'absence de publication des procédés de détection et d'identification de ces plantes génétiquement modifiés.
Ouverture du trilogue suite au vote favorable belge
Le 14 mars dernier, les membres du Comité des représentants permanents (Coreper) des États membres de l'Union européenne se sont mis d'accord sur un mandat de négociation sur la proposition de la Commission européenne sur les NGT lors d’un vote (important) à la majorité qualifiée. Ce mandat ouvre le « trilogue », à savoir les négociations entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. La Belgique, jusqu’ici en position d’abstention dans ce dossier, a révisé sa position sous impulsion du ministre David Clarinval et a voté en faveur du mandat de négociation. Ce faisant, notre pays a permis à la majorité qualifiée d’être atteinte.
Notre syndicat déplore le manque de responsabilité dans ce vote ouvrant le trilogue alors que les risques exposés ci-dessus ne sont toujours pas réglés. Le Mouvement Réformateur (MR) et Les Engagés se sont félicités de l’assortiment de quatre conditions à ce vote favorable : sur les brevets, la traçabilité et l’étiquetage, la coexistence avec l’agriculture biologique et l’analyse des risques. Pour la FUGEA, la Belgique aurait dû maintenir sa position d’abstention. En effet, si le vote favorable est assorti de réserves aussi cruciales, notre syndicat a beaucoup de mal à comprendre pourquoi notre gouvernement n’a simplement pas – pour protéger nos agriculteurs.rices – voté en défaveur ou, au minimum, en abstention tant que le respect de ces balises n'est pas strictement garanti. En l’état, les grands bénéficiaires de la proposition seront les grands groupes semenciers et les industriels des biotechnologies. Pas les agriculteurs.rices ni les consommateurs.rices.
Durabilité présupposée des NGT
La note d’orientation politique “Agriculture” du 14 mars présentant un résumé des objectifs politiques qui seront poursuivis par le ministre David Clarinval durant la législature s'aligne sur la présupposition de la Commission européenne que les NGT seront durables, pourraient permettre de réduire l’utilisation de pesticides et aider les agriculteurs.rices en leur fournissant des variétés résistantes à la sécheresse. Or, il n'y a à l'heure actuelle aucune étude scientifique montrant que les NGT permettent de réduire l'utilisation des pesticides. Ces allégations se basent sur des promesses de variétés miraculeuses qui n’ont pas encore été développées, y compris dans les pays autorisant les NGT. Ce rapport explique pourquoi les NGT ne permettront pas de réduire l'utilisation des pesticides. En outre, une grande partie de la recherche en cours sur les NTG n'a pas pour objectif de parvenir à la durabilité mais plutôt de répondre à des besoins commerciaux ou industriels.
Des variétés résilientes aux stress climatiques, adaptées aux territoires locaux et nécessitant peu ou pas d’intrants chimiques existent pourtant et sont développées à la ferme et par des semenciers traditionnels.
Nos demandes
La FUGEA réitère sa demande auprès du politique que les OGM, y compris les NGT, restent couverts par une évaluation des risques et des méthodes de surveillance, d'identification et de détection, ainsi que de traçabilité et d'étiquetage. L'application de la législation OGM actuelle aux NGT doit être maintenue. La FUGEA demeure préoccupée par la tentative d'assouplissement significative de cette dernière et invite le gouvernement à s'opposer à la déréglementation des NGT.