Biométhanisation, la FUGEA demande un cadre clair pour éviter les dérives

Courrier envoyé le 4 juillet 2022

Madame la Ministre, Messieurs les Ministres,

 

La production d’énergie renouvelable est une nécessité pour la résilience de notre région. Cette nécessité est aujourd’hui exacerbée par la conjoncture actuelle avec le risque de pénurie d’approvisionnement de gaz depuis la Russie. Chaque secteur devra être mobilisé pour réussir cette transition.

L’agriculture aura un rôle à jouer. Les membres de la FUGEA en sont conscients et beaucoup d’entre eux produisent déjà leur propre énergie verte.
Néanmoins, ce développement doit se faire de façon cadrée et équilibrée pour éviter que la production d’énergie n’accentue les problèmes d’accès au foncier et n’entre en compétition avec la production alimentaire.

Parmi les énergies renouvelables agricoles, la biométhanisation connait un essor croissant sur notre territoire. L’installation d’unités sur le territoire s’accélère, poussée par une conjoncture économique favorable et des objectifs politiques wallons et européens ambitieux.

La FUGEA tire la sonnette d’alarme : nous constatons depuis plusieurs années que trop de projets de biométhanisation ont des effets négatifs sur notre secteur.

Au niveau de l’accès au foncier, de nombreux retours d’agriculteurs et agricultrices (provenant de régions différentes) nous alertent sur des achats de terres par des promoteurs d’unités de biométhanisation à des prix exorbitants (atteignant les 100 000€/ha). Face à de tels acteurs et leur impact sur le prix du foncier, l’accès à la terre se complique encore davantage.

De plus, trop d’unités de biométhanisation comptent pour leur approvisionnement sur des cultures dites « énergétiques ». Ces cultures, souvent du maïs, ont un fort pouvoir méthanogène et sont donc plus rentables que d’autres (co-)produits. Cependant, ces cultures grappillent chaque semaine de plus en plus de terres agricoles, au détriment de nos cultures destinées à nourrir nos concitoyen-ne-s et notre bétail. C’est donc notre souveraineté alimentaire qui est mise à mal.

En outre, les méthaniseurs sont également alimentés en effluents d’élevage. Sur certains territoires, des agriculteurs qui avaient l’habitude de trouver des engrais organiques (p.ex. fientes de volailles) n’en trouvent plus car ils partent en biométhanisation. Il faut donc se tourner vers l’azote disponible, souvent de l’engrais chimique.

Enfin, si ces cultures se développent si bien, c’est parce que certaines entreprises proposent des contrats de culture à prix attractifs pour des propriétaires ou des sociétés de gestion (proche des 1 700€/ha). Dans ces conditions, plus besoin d’agriculteurs et d’agricultrices, détenteurs de terres et industriels travaillent main dans la main.

Au vu de ces éléments, ainsi que de la conjoncture favorable au déploiement de davantage d’unités de biométhanisation, nous pensons qu’il est urgent d’agir pour endiguer les effets négatifs de ces projets sur notre secteur agricole.

C’est pourquoi les membres de la FUGEA vous demandent de fixer un cadre clair pour éviter les dérives. Il est notamment urgent de limiter l’utilisation de « cultures énergétiques » dans les unités de biométhanisation. Nous vous demandons de légiférer pour que ces cultures ne dépassent pas 15% du poids total (en matière sèche) des intrants utilisés par ces unités. Cette limite, d’ailleurs mise en place en France, nous parait indispensable.

D’autres mesures doivent également être mises en place pour éviter que la production d’énergie renouvelable ne menace nos terres nourricières. Nous restons donc à votre disposition pour discuter de ces enjeux et pour définir ensemble les contours d’une réglementation qui apparait urgente et fondamentale pour que souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique ne soient pas contradictoires.

Au nom des agriculteurs et agricultrices de la FUGEA, nous vous adressons, Madame et Messieurs les Ministres, nos salutations distinguées et vous remercions d’avance pour les solutions que vous nous apporterez.

Philippe Duvivier, Président de la FUGEA

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