Atelier Diversification : l’abattage de proximité

Article paru dans La Lettre Paysanne – mars 2017

EN COMPLÉMENT DU DOSSIER SUR L’ABATTAGE, NOUS AVONS RENDU VISITE À BENOIT PONCELET ET DAMIEN BRUNET. LEUR EXPÉRIENCE RESPECTIVE DANS L’ABATTAGE À LA FERME N’EST PLUS À DÉMONTRER ! LA BOUCHERIE PONCELET, INSTALLÉE DEPUIS PLUS DE 100 ANS À PALISEUL, ET AVIFERM, AU SERVICE DES ÉLEVEURS DEPUIS PLUS DE 35 ANS, NOUS ONT AINSI PARTAGÉ LEUR VÉCU ET LEUR EXPERTISE EN LA MATIÈRE…

 

La FUGEA : POURQUOI AVOIR CHOISI D’ABATTRE VOUS-MÊME LES ANIMAUX ?

Benoit Poncelet (Boucherie Poncelet) : Notre Boucherie a vu le jour en 1913 et depuis lors, nous abattons nos animaux. Lorsque j’ai repris le flambeau, je n’ai pas envisagé l’abandon de cette activité. Nous effectuons un travail de qualité et à portée locale. L’ensemble des bêtes provient des fermes de la région, les transports sont donc courts, elles sont accompagnées jusqu’au bout par l’éleveur et ne sont donc pas stressées.

Damien Brunet : En 1981, nous avions élevé trop de poulets pour les commandes que nous avions.
Nous avons alors voulu les vendre à un abattoir mais celui-ci les prenait à 4.20€ alors que nous aurions dû en tirer
35€. De plus, les poulets étaient plus gros et donc ne pouvaient entrer dans les chaînes d’abattage classiques.
Nous avons donc décidé d’abattre nos volailles nous-mêmes. Les premiers contacts ont alors été pris avec les
autorités sanitaires actives à l’époque.

 

LA FUGEA : QUEL A ÉTÉ L’IMPACT DE L’ÉVOLUTION DES NORMES SANITAIRES SUR VOTRE ACTIVITÉ D’ABATTAGE ?

B.P : J’avais la chance de reprendre un atelier qui se prêtait bien à l’abattage et à la transformation. Un grand nombre de travaux avaient été réalisés en 1990. Mais le tournant principal a été pris en 2010 lorsque de nouvelles
exigences sont apparues. J’ai été bien secondé par les personnes s’occupant de mon dossier au sein de l’AFSCA,
même si cela n’a pas été facile. Mais pour d’autres bouchers, les travaux demandés étaient trop conséquents, ils ont alors cessé dans un premier temps l’abattage et par la suite la boucherie.

D.B : L’activité a été lancée au bon moment, les normes nous permettaient de vendre à des boucheries, des écoles et des particuliers. Une fois que nous avons cessé l’élevage, les éleveurs aux alentours ont, eux, maintenu
leur activité. Nous avons alors augmenté nos capacités d’abattage. Mais suite à la crise de la dioxine, l’augmentation de la charge administrative et l’augmentation considérable des frais de vétérinaires (25€ de frais pour l’inspection de six lapins) ont freiné notre activité. Nous n’avons par conséquent pas renouvelé l’agrément CE. Nous nous sommes alors orientés vers un agrément particulier, nous permettant d’obtenir une convention avec l’AFSCA qui nous dispense des inspections vétérinaires ante et post-mortem. Nous sommes mandatés pour le faire, les clients en sont avertis et actent cela lors du dépôt de leurs volailles.

 

LA FUGEA : PENSEZ-VOUS QU’UN JEUNE POURRAIT, AUJOURD’HUI, DÉMARRER UNE ACTIVITÉ SEMBLABLE ?

B.P : Des personnes ont déjà voulu redévelopper une activité d’abattage, mais cela s’est avéré trop difficile (investissements lourds, charge administrative…). Ils doivent répondre aux normes Européennes. Créer un abattoir
pour de petites quantités ne peut fonctionner, celles-ci ne permettant pas d’amortir les investissements.

D.B : Aujourd’hui, nous nous en sortons parce que l’infrastructure est payée. Mais pour un jeune qui démarre, cela
restera très difficile, il y a énormément d’administratif dans le cadre de l’agrément CE, mais aussi en ce qui concerne les permis d’environnement.

 

La FUGEA : QUELLES SONT LES AMELIORATIONS QUI POURRAIENT ETRE APPORTEES AFIN D’AUGMENTER LA RENTABILITE D’UNE ACTIVITE D’ABATTAGE DE PROXIMITE ?

B.P : Pour permettre de revaloriser l’abattage de proximité, un statut autre que le CE devrait être créé. Il n’encadrerait que les personnes qui n’exportent pas leurs marchandises. Dans ce cas, l’investissement en vaudra la peine.

D.B : Celui qui possède l’outil d’abattage devrait pouvoir abattre pour les éleveurs qui vendent directement. Un agrément CE est inutile dans ce cas. On pourrait envisager un statut intermédiaire, nécessitant le passage d’un vétérinaire uniquement lorsqu’il s’agit d’un abattage pour « vente locale par le producteur ».






Comments are closed.